Chansons juives du XIIIe siècle, en ancien français et en hébreu Par l’ensemble Alla francesca

Localisation : Médiathèque Saint Vaast
Catégorie : Concert
Adresse : Médiathèque de l'Abbaye Saint-Vaast, ARRAS
Conditions : Gratuit
  • - Le 01/06/2023 de 17:30 à 18:30

À PROPOS DU PROGRAMME DU CONCERT

Juifs et trouvères

Chansons des communautés juives dans le Nord au tournant des 13e et 14e siècles

Ce programme ressuscite tout un univers culturel où la langue d’oïl et l’hébreu sont intimement mêlés. De même qu'au début du 13e siècle, Gautier de Coincy adapte ses chansons à la Vierge sur des mélodies préexistantes, à la fin du même siècle, des communautés juives vivant dans le nord de la France utilisent pour leurs chants les mélodies « voyageuses » de célèbres trouvères les ayant précédés, ou qui leur sont contemporains.

Au cours de cette période trouble, qui s’inscrit entre le brûlement du Talmud (1242-1244) et la grande expulsion de 1306, les juifs ont la même vie quotidienne, la même langue que les chrétiens. Ils ont également en commun un même goût pour les livres, les monuments, les bruits de la ville et des foires, la joie de vivre et les chansons populaires.

Parallèlement au répertoire des trouvères qu'ils côtoient, leurs chansons reflètent leur vie quotidienne et les événements, heureux ou tragiques, qui la ponctuent. On y trouve l’expression vocale d’une population, gardienne de ses rites et de ses traditions, mais intégrée dans son environnement et s’exprimant en langue d’oïl ; seuls les prières, les poèmes liturgiques et les études demeurent en hébreu. Dans les livres et les manuscrits qui nous sont parvenus, tous les poèmes, en langue d'oïl comme en
hébreu, sont transcrits en écriture hébraïque (la seule enseignée aux juifs). Nous savons aujourd’hui que les mélodies de ces poèmes, qui n'ont pas été consignées, étaient calquées sur des chants préexistants, et notamment sur ceux des trouvères : la poésie hébraïque a utilisé durant des siècles ce procédé du contrafactum qui consiste à adapter à un nouveau texte la mélodie d’un air connu de tous. C'est ainsi que l'incipit d'une chanson de Moniot de Paris a été noté pour le poème liturgique Shalfu tzarim, et celui d'un
refrain anonyme pour la chanson de chabbat Deror yiqra. D'autres mélodies de trouvères ont été à leur tour choisies et adaptées par Brigitte Lesne au poème du Nouvel An Les anfanz des avot, à l'élégie de Troyes Mout sont il a meschief mis et au chant de Pessah La nuit de Pesah. Pour élargir l'évocation du répertoire de cette communauté juive, un chant anonyme qui illustre un épisode biblique de l'histoire de Joseph, et une
chanson d'amour signée de Mahieu « le Juif », que les musiciennes et musiciens d'Alla francesca font dialoguer avec Thibaut de Blazon, Gautier de Coincy, Richard de Fournival et Jehan de Lescurel.

Des pages manuscrites séculaires jaillit la musique d’un monde coloré, bruyant et sensuel, où juifs et chrétiens expriment leur foi, leur peine et leur plaisir. Un monde disparu, après l’expulsion définitive des juifs
de France en 1394, et que ce programme fait revivre.

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Alla francesca

Christel Boiron : chant
Vivabiancaluna Biffi : vièle à archet
Michaël Grébil : luth, cistres, chant, percussions
Lior Leibovici : chant
Brigitte Lesne : chant, harpe-psaltérion, percussions, direction
Conception du programme et transcriptions : Brigitte Lesne sur une idée de Colette Sirat
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Alla francesca adresse ses vifs remerciements à Anna Arató et à l'EUR Translitterae (ENS) qui ont rendu ce
concert possible, ainsi qu'au pôle culturel Saint-Vaast d'Arras pour son accueil.


Alla francesca

Production Centre de musique médiévale de Paris
Avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d'Île-de-France et de la SPEDIDAM
www.allafrancesca.fr — contact@allafrancesca.fr


RÉSUMÉS DES CHANTS

Danse real – danse instrumentale

Shalfu tzarim – poème liturgique (piyyut), anonyme, mélodie de Moniot de Paris
Les oppresseurs ont tiré leurs épées ; en persécutant le pauvre, ils ont détruit des villes entières. Ils ont tendu leurs arcs pour atteindre
ceux qui leur résistent ; ils les ont réduits en poussière. Leurs bouches émettent des flatteries ; déception, fausseté sont dans leur sein.
Ils ont frappé méchamment Celle dont les pas sont si beaux (Israel).

Les anfanz des avot – poème pour le Nouvel An, mélodie de Richard Coeur de Lion

Les enfants des ancêtres savants et instruits se mettent en peine de sonner le « shofar » au septième mois, chaque année. Roi de justice,
souviens-toi des anciens ; ils t'étaient dévoués.
Roi tout puissant, seigneur des cieux, souviens-toi de ta miséricorde à l'égard de ton peuple, au jour du jubilé. Roi dont le nom est saint,
honoré et exalté, louez-le maintenant et exaltez son honneur, au jour du jubilé.

Flos in monte cernitur – conduit [instrumental]

Chanter et renvoisier sueil – chanson d'amour, Thibaut de Blazon
J'ai coutume de chanter et de rire, mais il me faut maintenant me plaindre et pleurer : je perds celle que j'aime et rien ne me peut réconforter. Dame, par Dieu, ayez pitié de votre ami ! Votre amour m'a surpris plus qu'oiseau pris au piège. Quand je contemple votre
lumineux visage, que tant aime de cœur pur, je crois perdre la raison.

Por mon chief reconforter – chanson mariale, Gautier de Coincy

Pour me soulager et réjouir mon cœur, je veux louer et fêter celle qui porta le grand Roi durant neuf mois. Dame, celui qui se moquerait
de moi aurait le visage du diable, et ton Fils, le grand Roi de paradis que tout le monde doit craindre, me vengerait !

Sol sub nube latuit – conduit [vocal puis instrumental]

Sous la nuée s'est caché le soleil, mais il n'a pas connu d'éclipse quand le Fils du Père souverain s'est joint à la chair. Le verbe du Père céleste a voulu s'unir à la chair : elle n'aurait pu trouver époux plus glorieux ! Réjouis-toi, nouvelle épousée, Il est foi et vérité ; la Divinité n'a point subi la corruption de la chair.

Por autrui movrai mon chant – chanson d'amour, Mahieu le Juif

Pour autrui j'élèverai mon chant puisque pour moi je ne peux l'élever. Si l'amour me soumet à ce point, il me tuera, en vérité ! Elle m'a arraché le cœur de la poitrine, celle qui a le plus de valeur, par qui je suis si troublé. Jamais par moi ne lui sera avoué mon désir,
tellement je redoute les refus de celle dont j'attends l'amour. Que désormais Jésus-Christ me vienne en aide, Lui dont j'ai fait mon nouveau maître !

Quinte estampie – danse instrumentale

Onques n'amai tant que jou fui amee – chanson d'amour et motet, Richard de Fournival Jamais je n'ai aimé autant que je le fus. Aujourd'hui, je m'en repens, car Amour m'avait destinée au meilleur qui fut pour obtenir tout
plaisir et toute joie ; mais à présent il a donné son amour à une autre. Hélas, par mon orgueil, j'ai perdu mon ami ! Désormais, Amour m'a destinée à un bien triste sort, sans consolation ni joie : maintenant que je l'ai perdu, il me faut aimer sans être aimée, car j'ai vaincu trop tard mon méchant cœur.

Septime estampie – danse instrumentale

En Egypte / Ne puis ma grant joie celer – chanson de Jacob, Estoire de Joseph, texte et mélodie anonymes.
Je ne peux cacher ma joie : en Égypte, je veux m'en aller ! Enfant, employez-vous maintenant à chanter pour être en joie. Si je peux  retrouver Joseph vivant, en Égypte, je veux m'en aller, nous n'aurons pas souci de revenir pour être en joie. Désormais, je dois bien oublier mon deuil et chanter, pour être en joie ! En Égypte, je veux m'en aller voir Joseph !

Deror yiqra – chanson de chabbat, texte et mélodie anonymes

Il proclame la liberté, pour garçon et fille, et vous protègera comme la prunelle de l'œil. Agréable sera votre nom et ne cessera de l'être ;
chômez et reposez-vous le jour du Chabbat ! Ô Éternel, plante dans la montagne désertique, myrte, acacias, cyprès et pins. À celui qui fait observer et qui observe le Chabbat, prodigue la paix autant que les eaux du fleuve !

Mout sont il a mechief mis – Élégie de Troyes, anonyme, mélodie du Chatelain de Coucy

En l'an 1288, à Troyes en Champagne, le tribunal de l'Inquisition condamne au bûcher treize juifs, hommes, femmes et enfants : Rab Isaac
Châtelain, sa femme – enceinte –, deux frères – un petit et un grand –, la bru, le gendre, Salomon, Isaac Cohen, Haiim...
Elle est mise à grand mal, la malheureuse gent, et ce n'est pas sa faute si la rage la prend, car d'entre eux sont brulés maints preux, braves et gents, qui n'ont pu, pour leur vie, donner rachat d'argent. Dieu vengeur, Dieu jaloux, venge-nous des félons ! A te prier d'un cœur entier, là où nous restons et allons, nous sommes prêts et disposés. Réponds, Dieu, quand nous t'appelons !

Redit etas aurea – conduit [instrumental]

Amour voules vous acorder – chanson d'amour, Jehan de Lescurel
Amour, voulez-vous m'accorder de mourir pour bien aimer ? Aucune mort ne me serait plus douce ! J'ai enduré trop de maux par amour, sans retour. Doux ami, je ne puis plus le supporter et n'ose regarder votre beau visage riant ! Mort, allégez mon tourment ou bien, Amour, accordez-moi votre grâce !

La nuit de Pesah – chant pour la fete de Pessah, texte et mélodie anonymes

La nuit de Pessah, Dieu a voulu la partition, tuer les Égyptiens et protéger ses Juifs. Roi, puissant guerrier, veuille vaincre « Edom ». Qui fait arriver le soir, nous le louerons à la fin du crépuscule.

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